Terrain miné : communiquer dans la controverse

Nous serons tous d’accord sur ce point : le consensus est de plus en plus difficile à atteindre dans nos sociétés. Il suffit de lire la une de nos journaux pour le constater : charte des valeurs québécoises, aide médicale à mourir, politiques énergétiques, crise budgétaire américaine, n’en jetez plus l’arène est pleine. Si la controverse naît souvent des stratégies partisanes visant à faire avancer une cause,  elle doit toutefois être gérée de manière à ne pas paralyser la capacité de mettre en action ses intentions ou tout simplement d’agir à l’intérieur d’un certain consensus, somme toute nécessaire au bon fonctionnement de nos sociétés.

À l’ère où les opinions sont des armes parfois manipulables et souvent incontrôlables, voici quelques paramètres et des conseils pour les communicateurs forcés d’œuvrer dans la controverse, c’est-à-dire dans un environnement où les opinions sont fortement polarisées et teintées par l’émotion.

Persuader et convaincre : les jeux combinés de l’émotion et de la raison

Communiquer dans la controverse c’est donc orchestrer ses interventions sur deux grands fronts simultanément : celui de la persuasion, qui fait appel aux sentiments, aux émotions et celui de l’argumentation, qui s’adresse à la raison.

Des exemples? Les rumeurs sur un projet de loi interdisant le port de signes religieux aux employés de l’État ont favorisé l’expression et la diffusion de messages chargés d’émotions, émotions d’autant plus fortes devant l’incertitude. En parallèle, un texte de loi, une campagne d’information, des explications du ministre responsable du dossier ont permis l’expression d’arguments s’adressant à la raison.

Et les Janettes? Elles agissent efficacement sur les deux fronts en même temps, car ces femmes considérées raisonnables se rattachent à la communauté artistique, donc sont porteuses de fortes références émotionnelles. Il y a fort à parier que leur message sera plus entendu que celui des Inclusives.

Lorsqu’il est stratégique d’éviter ou de tempérer une forte réaction émotionnelle, on travaillera de manière à exposer graduellement le public à une question et à faire progresser les opinions et les perceptions avant d’imposer sa vision. On utilisera des comités d’experts, des groupes d’influence ou des leaders d’opinion, par exemple, pour échanger, proposer, informer en douceur et par dissémination lente, donnant le plus de temps possible à la charge émotive d’être absorbée, pour une adaptation progressive à un changement.

Notions de risque et de bénéfice 

Essentiellement, la communication se construit autour de la définition d’un risque et du bénéfice qui sera retiré de l’action visant à l’éviter ou à l’encadrer. Dans le cas de la crise budgétaire américaine par exemple, le risque et les conséquences d’un défaut de paiement de l’État se sont avérés les plus convaincants pour dénouer la crise, ne serait-ce que temporairement.

Ces notions de risque et de bénéfice constituent les bases de l’acceptabilité d’une proposition. En ce sens, la diffusion d’opinions et d’analyses convaincantes sur les risques/bénéfices fera toute la différence. Pensons à Warren Buffet qui se prononçait sur la crise budgétaire américaine, par exemple. Pour les questions touchant à la vie humaine, comme le droit de choisir l’euthanasie, l’opinion publique aura son poids pour déterminer la gravité d’un risque par rapport à un autre, ici le risque possible d’une décision de fin de vie erronée ou mal intentionnée. Ainsi, on normalisera en quelque sorte une nouvelle pratique. Les mentalités évoluent. On en donnera d’ailleurs fréquemment la preuve en argumentaire, pour rappeler que les usages d’aujourd’hui sont issus de controverses passées.

Comment faire face aux circonstances particulières d’une controverse? Petit guide en accéléré :

Se prononcer ou pas sur une controverse?

  • Pourquoi pas? C’est une bonne occasion de s’imposer comme un expert, de sensibiliser à une cause, ou à un aspect oublié d’un enjeu, etc. Dans la controverse, un regard neuf, rassembleur ou modérateur sera toujours le bienvenu.
  • Il n’est pas toujours nécessaire de prendre position, vous pouvez simplement proposer une lecture approfondie du contexte, une analyse, des données, des outils pour résoudre la crise, etc.

Comment se préparer à intervenir dans une controverse?

  • Assurez-vous d’être 100 % crédible – ou risquez d’endommager votre réputation. Rappelez-vous la différence entre une opinion personnelle qui relève de la vie privée et une opinion professionnelle qui est basée sur l’expérience et la recherche. Faites preuve de maturité et de contrôle.
  • Soyez cohérent dans vos interventions, basez-vous sur des faits ou des données concrets et vérifiables. Reliez vos positions à des principes généraux reconnus comme raisonnables et justes. Tenez-vous-en à la question immédiate.
  • Démontrez que vous êtes informé de tous les aspects et points de vue reliés à la question. Montrez-vous empathique et respectueux des opinions d’autrui. Ne ridiculisez jamais la partie adverse.
  • Prenez le temps d’écouter et de mesurer la prévalence des opinions et des sentiments opposés. Connaissez et relevez régulièrement le terrain. Le vent tourne vite durant une tempête.

J’ai trouvé une ressource intéressante ici pour continuer à lire sur le sujet. Sinon, l’actualité du jour demeure très riche en leçons, à nous de les interpréter.

Cet article a été publié initialement sur le blogue de Capital-Image et est reproduit ici avec sa permission.

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